Qu’il s’agisse d’innovations révolutionnaires ou de visions ambitieuses, nos boursiers 2025 nous livrent leurs prévisions sur l’évolution de la technologie et son éventuel impact sur le monde.
L’IA générative avancée a connu des progrès fulgurants au cours des dernières années. Mais malgré les prédictions selon lesquelles l’IA révolutionnera l’économie à court terme, la diffusion de l’IA sera beaucoup plus lente.
Alors que certains secteurs spécifiques connaîtront des changements rapides, l’impact économique plus large sera atténué par ce que le politologue Jeffrey Ding appelle le sophisme de l’innovation dans le déploiement de l’intelligence artificielle : l’impact des technologies à usage général telles que l’IA sur l’économie se concrétise lorsque ces dernières sont adoptées par l’ensemble des secteurs économiques tels que les soins de santé, l’éducation et la finance, plutôt que par des innovations au niveau de la seule technologie.
Ce phénomène s’est déjà produit avec d’anciennes technologies à usage général, comme l’internet, qui ont mis des décennies à être adoptées à travers tous les secteurs économiques malgré la rapidité des premières innovations. Il en va de même pour l’adoption de l’IA : alors que les capacités de l’IA générative se développent rapidement, les organisations peinent encore à intégrer efficacement ces outils dans leurs flux de travail et leurs processus. Cela est dû à la fois aux limites de la technologie (comme le manque de fiabilité) et au besoin de connaissances et d’expertise institutionnelles nécessaires à l’adoption de l’IA.
Prenons l’exemple des soins de santé : l’IA est depuis longtemps capable de transcrire des conversations, mais le déploiement d’applications de transcription simples visant à faire gagner du temps aux médecins lors de la prise de notes des patients s’est heurté à des obstacles tels que l’« hallucination » : l’IA produit du contenu incorrect dans ses résultats. L’adoption est donc lente, car les obstacles doivent généralement être résolus par des experts du domaine en collaboration avec des experts techniques.
L’adoption de l’IA se heurte également à des obstacles institutionnels. Même lorsque des problèmes techniques tels que l’hallucination sont résolus, l’amélioration des résultats pour les patients se heurte à d’autres obstacles : la réglementation en matière de protection de la vie privée, l’intégration dans les flux de travail existants et la formation des médecins à l’utilisation de l’IA. Ces obstacles techniques et institutionnels conduisent de nombreuses personnes à conclure à tort que l’IA est inutilisable dans des domaines tels que les soins de santé ; en réalité, l’adoption de l’IA nécessite tout simplement beaucoup plus de temps que prévu.
Le décalage entre le potentiel de l’IA et sa mise en œuvre pratique sera déterminant en 2025. Malgré les améliorations apportées aux modèles d’IA, il restera difficile de les utiliser de manière productive dans le monde réel, par exemple pour améliorer de manière significative les prestations de soins de santé, renforcer l’éducation ou rationaliser les services publics. L’adoption de l’IA nécessitera la création d’applications adaptées à différents contextes, l’amélioration du savoir-faire technique et la diffusion de l’accès et de l’expertise à travers l’ensemble des secteurs, et pas seulement dans le domaine technologique. Cette démarche nécessitera plus de temps et sera moins percutante que la création d’une IA dotée de capacités améliorées. Cela pourrait s’étaler sur des décennies plutôt que sur des années. Toutefois, ces efforts seront essentiels pour stimuler l’adoption de l’IA de manière utile dans l’ensemble des secteurs économiques.
Sayash Kapoor est boursier Mozilla 2025.
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